Chapitre 1 - Le nouveau
Appaloosa Plains, grande étendue remplie de vallons et de collines parsemés de terre rouge située dans l’Ouest Canadien. Lieu paisible et idéal pour mener la vie d’éleveur de chevaux accompli ou bien pour tenir un Ranch transformé en auberge, comme le faisait si bien la famille Dunkler depuis déjà trois générations. Chaleureux et accueillant pour tout être aimant la nature, ce refuge était l’endroit le plus fréquenté du village, après l’élevage de chevaux, bien sûr.
Mira Dunkler, prochaine héritière et aubergiste du gîte, doit immanquablement poursuivre l’héritage familiale des Dunkler puisque son unique sœur avait déménagé dans l’État de la Californie. Son grand-père, Jean Dunkler, comptait donc sur elle pour prendre la relève après sa mort. Évidemment, Mira se faisait une joie de s’occuper de l’auberge, mais elle cachait toutefois de vieux rêves enfouis au fond de son âme qui ne demandaient qu’à se réaliser. De nature plutôt généreuse et aimable, la jeune femme ne voulait pour rien au monde attrister son grand-père, et par le fait même, ses ancêtres, en vendant le Ranch à de purs étrangers.
***
-Daisy ! s’époumona Mira. Viens manger, ma belle !
On pouvait entendre les aboiements de la femelle Golden Retriever à des lieux et des lieux plus loin.
-Tout de suite après ton repas, on va aller se promener, lui apprit sa maîtresse, mais prends le temps de bien mâcher tes bouchés !
-Quand arrêteras-tu enfin de parler ainsi à ta chienne ? se désola Josée, une des locataires.
-Arrêtes donc, Josée ! Je comprends tout à fait Mira de communiquer avec Daisy ! Je le fais, moi aussi, avec Soleil. C’est fortement recommandé par les spécialistes de le faire, ça permet de lier une relation spéciale avec nos compagnons animaux, la défendit Éléonore, la plus vieille cliente de l’auberge. -Comme s’ils vous comprenaient ! se moqua Josée.
-Peut-être que si tu prenais le temps de le faire avec tes chevaux de course, Josée, tu gagnerais tes championnats, lui fit remarquer la vieille dame.
-Bon, bon, bon, cessez vos querelles, mesdames ! Aidez-moi plutôt à mettre la table.
Après un bon repas, Mira mit la laisse à sa chienne Daisy. Le soleil commençait à peine à se coucher sur les grandes plaines rougeoyantes de la ville que les animaux de nuit sortaient de leur cachette. À peine milieu septembre, l’automne se faisait déjà sentir avec cette brise fraîche qui cajolait les joues rosées de la jeune femme. Les feuilles des arbres commençaient déjà à tourner sur le jaune, l’orangé puis le rouge, tandis que les habitants délaissaient peu à peu leurs bermudas, leurs camisoles et leurs sandales pour les longs pantalons en corde de roi, les pulls duveteux et les fameuses bottes de cow-boy qui se vendaient si bien à ce temps-ci de l’année, malgré que tous les habitants en possédaient déjà au moins une paire chacun.
-Ahh l’automne, n’est-ce pas la plus belle saison qui existe ? se dit Mira à elle-même.
-Ehh bien, moi, je préfère le printemps ! lui répondit une voix derrière.
Mira fit volte-face. Un jeune homme aux cheveux châtains hirsutes se tenait à quelques pas d’elle.
-Pourquoi cela ?
-Parce que c’est la renaissance : les arbres regarnissent de jolies fleurs et de leur plus beau panache ; les oiseaux gazouillent leur joie de vivre ; la neige fond sous le soleil chaud ; et les petits animaux refont surface !
-Mais encore ?
-C’est surtout parce que c’est la saison du jardinage, avoua le jeune homme.
-T’es nouveau ici ?
-Oui… Non, en fait ça fait déjà quelques semaines que je suis arrivé à Appaloosa Plains.
-Ah bon ? Pourquoi ne nous sommes jamais croisés alors ?
-Sans doute parce que je me l’a suis joué discrète.
-Pourquoi donc ? demanda Mira, perplexe.
-Ehh bien, j’ai entendu dire que chaque nouvel habitant au village devenait la risée de toute la communauté pour une durée d’approximativement une semaine… dit-il, honteux.
Devant le regard incrédule de la jeune femme, le nouveau décida d’élaborer.
-N’est-il pas vrai que chaque nouvel habitant doit passer au travers d’une dizaine d’épreuves en guise d’initiation ?
-Mais voyons ! Nous ne sommes pas une fraternité quelconque d’une université ! D’où viens-tu pour croire de telles idioties sur le village ?
-Riverview. C’est aux États-Unis.
-Qui est-ce qui t’as raconté tout ça ?
-Un vieux bonhomme, il n’avait pas l’air trop bien…
-Et tu l’as cru ?! Pouhahahaha ! pouffa Mira.
-Héé ! Ne ris pas de moi !
Daisy commençait à être impatiente à force de rester sur place, c’est pourquoi elle fit trois ou quatre jappements en direction de sa maîtresse.
-Oui, oui, Daisy, on y va ! Bon, désolée, je dois y aller, contente de t’avoir rencontré, le nouveau !
-Euhh… Oui, moi aussi !
-À bientôt !
-Ah… Et au fait, comment tu t’appelles ? demanda le jeune homme, un peu en retard puisque Mira était déjà partie avec sa chienne. Bon… Tant pis.
« Wouahh, curieux garçon qu’il était celui-là, à penser qu’on faisait des initiations aux nouveaux ! Il se croyait où, lui ? À l’armée ?! Moi qui pensais avoir tout vu l’autre jour quand Papi a dansé sur le comptoir en caleçons après une soirée arrosée au bar de l’auberge! » pensa-t-elle avec un sourire en coin.
Au rythme où se propagent les nouvelles dans un village, il est certain que dès le lendemain matin, tout le monde sera au courant de l’étrange rencontre qu’a eût Mira Dunkler avec le nouveau du village !
Une fois de retour à la maison, Mira s’assura de faire un tour à l’étable pour vérifier si les chevaux étaient corrects pour la nuit. Soudain, elle entendit des pas en dehors de la grange alors qu’elle remplissait l’abreuvoir de Focus. À pas feutrés, la demoiselle se glissa derrière la grande porte. Étrangement, personne ne se trouvait dehors, à l’endroit qu’elle pensait avoir entendu quelqu’un.
« Bizarre… » se dit-elle.
Alors qu’elle s’apprêtait à retourner à sa tâche, une ombre passa en vitesse de part et d’autre sur le sol devant la porte, puis une deuxième, suivies de ricanements. Déterminée à résoudre ce mystère, elle accourut à l’extérieur, se précipitant sur les silhouettes.
-Qui est là ?! s’écria Mira.
-Hahaha ! Du calme, Mira, ce n’est que nous ! dit l’une des deux personnes sortant de la pénombre.
-Josée, Anthony ? Mais que faites-vous ici ?
-Ehh bien… Tu n’es pas sans savoir que notre mariage est dans à peine quelques semaines, alors…
-Parfait ! J’ai compris ! répondit Mira en vitesse en coupant la parole à Josée, ne voulant pour rien au monde connaître leurs petits jeux nocturnes.
-Tu sembles agitée, fit remarquer Antony.
-Sans doute parce que j’ai rencontré un gars un petit peu bizarre tout à l’heure. Il est nouveau ici depuis quelques semaines et il a pris son trou pendant tout ce temps parce qu’il avait entendu dire qu’on exigeait une initiation pour chaque nouveau du village ! Non, mais quel idiot d’avoir cru une telle chose !
-Tu sais, Mira, cette histoire était réelle, autrefois, à l’époque du Far West.
-Vraiment ? répondit Anthony et Mira en chœur.
-Bien sûr ! Jadis, Appaloosa Plains avait tombée entre les mains de brigands qui n’appréciaient pas beaucoup les nouveaux…
-Pourquoi ne les aimaient-ils pas ? la questionna la demoiselle.
-Parce qu’ils les trouvaient trop « têtes enflées » pour les moindres talents qu’ils possédaient. C’est pourquoi les dirigeants ont décidé d’organiser des initiations pour chaque nouvel arrivant afin de prouver leurs forces.
-Quel genre d’initiation ? demanda Anthony.
-Du genre à devoir réussir à monter un des chevaux sauvages qui habitent les collines.
-Mais elles sont dangereuses ces bêtes !
-Je sais, c’est pourquoi plusieurs y ont laissé leur vie lors de ces épreuves.
-Et qu’arrivait-il à ceux qui ne réussissaient pas l’initiation ?
-Ils devaient simplement retourner vivre ailleurs et ne plus jamais revenir à Appaloosa Plains.
-Sinon quoi ?
-Je ne sais pas, ce n’est jamais arrivé.
-Comment sais-tu tout ça ?
-Mais tout le monde ici connait cette histoire ! Ça m’a surpris que tu ne le savais pas déjà Mira.
-Mouais… Bon, sur ce, je vous laisse, je commence à être fatiguée, amusez-vous bien !
-Bonne nuit Mira, répondirent les amoureux ensemble.
Alors qu’elle était dans son lit, Mira repensait à sa rencontre avec le jeune homme, se reprochant de ne pas l’avoir pris plus au sérieux au sujet des supposées initiations. Après tout, il n’avait pas tout à fait tort d’y avoir cru, puisque c’était bel et bien le cas plus d’une centaine d’années plus tôt.
« Et puis, je n’ai même pas pris la peine de lui demander son nom… » se désola-t-elle.
Décidant de mettre ses pensées de côté pour la nuit, Mira ferma les lumières puis s’endormit en flattant l’oreille droite de sa chienne couchée auprès d’elle comme à son habitude. Cette nuit-là, elle dormi d’un sommeil agité, rêvant au Far West et aux épreuves qu’ont dû endurer tous ces pauvres gens. Mira se vit embarquer sur l’un de ces chevaux indomptables, entourée des villageois qui lui criaient et qui lui scandaient des insultes disant qu’elle n’était qu’une incapable. Ayant l’orgueil plus gros que l’univers entier, Mira refusait d’abandonner. C’est pourquoi elle prit son courage à deux mains et endura les coups que sa monture lui imposait. Quand tout à coup, dans un rapide mouvement, l’étalon fit un demi-cercle vers la gauche qui prit Mira totalement au dépourvu. La jeune femme atterrit durement à terre et la bête lui assena plusieurs coups de sabots sur les côtes. Dans un bruit des plus fracassants, Mira sentit son thorax se briser sur son cœur haletant. Cherchant son souffle, cette dernière se réveilla en sursaut, le visage tapissé de gouttes de sueur.
-Mon dieu… Ahh-euhh… Quel cauchemar !
Mira lança son regard en direction de son réveille-matin.
« Il n’est que 2h du matin… » observa-t-elle.
Cherchant le sommeil depuis plus d’une heure, sans succès, Mira décida de se lever et de commencer sa routine matinale. Elle fila sous la douche. Mira laissa libre cours à son esprit, qui bifurquait toujours sur le même sujet. Alors âgée de vingt ans, Mira n’avait jamais sorti avec un garçon. Malheureusement, personne ne lui plaisait, ou plutôt, elle ne plaisait à personne, du moins, c’est ce qu’elle pensait.
Après sa douche, Mira se dirigea vers la cuisine pour se préparer un bon petit bol de céréales.
-Daisy, viens manger.
Évidemment, celle-ci suivit sa maîtresse. Après un bon déjeuner, Mira alla à l’écurie afin de s’occuper de ses deux chevaux : Focus et Misty. Un cheval demande beaucoup d’entretien : il faut le brosser, récurer les sabots, changer les fers une fois de temps en temps, etc. Mais, Mira en avait toujours pris soin, aussi loin que depuis qu’elle a appris à marcher. Ce fut sa mère qui lui a transmis cet amour inouïe pour les animaux.
Après avoir donné tous les soins possibles aux deux bêtes, Mira se dit qu’une longue promenade à cheval dans l’air frais du matin lui ferait le plus grand bien. Elle enfourcha sa jument et se mit en route.
« Il faut que je trouve où il habite ! » pensa Mira.
Pourtant beaucoup plus petit qu’une ville, le village d’Appaloosa Plains comptait tout de même approximativement un millier d’habitants. C’est pour cette raison que la recherche du jeune nouveau s’avérait être d’une grosse envergure. Réfléchissant au moyen le plus efficace pour le trouver, Mira n’avait récolté que trois méthodes :
1. Poser des annonces partout dans tout le village.
Raison apparente de l’échec de cette tentative : Le processus serait très long et Mira ne possède aucune photo du nouveau.
2. Faire du porte-à-porte jusqu’à temps d’arriver à sa maison.
Raison apparente de l’échec de cette tentative : Le processus serait encore plus long que la première tentative et rien ne garantis qu’il soit chez lui lors de ce plan.
3. Aller à l’hôtel de ville et demander la liste des habitants.
Raison apparente de la réussite de cette tentative : Le processus ne prendrait que quelques minutes et il ne lui suffirait que chercher la date d’arrivée à Appaloosa Plains la plus récente de tous les habitants.
Après avoir décidé comment procéder pour retrouver le jeune homme, Mira se dirigea immédiatement à l’hôtel de ville. Une demi-heure plus tard, la demoiselle sortit du bâtiment avec un énorme sourire au visage et… le nouveau à ses côtés.
-J’espère que tu n’es pas offusqué par le fait que je t’aille pris pour un imbécile hier alors que tu avais raison, Gabriel ? demanda-t-elle.
-Non, je suis habitué. Tout le monde me prenait pour le fou du village à Riverview.
-Pourquoi ?
-Longue histoire, je te raconterai une autre fois, si tu le veux bien.
-Bon, d’accord. Sinon, tu fais quoi dans la vie ?
-Je suis jardinier.
-C’est super ! Je m’en cherchais justement un pour le gîte ! Les plantes et moi faisons deux, même trois.
Un peu plus tard, alors que Gabriel et Mira furent arrivés au Ranch, celle-ci s’empressa de le présenter à son grand-père. Habituellement dur avec les garçons que sa petite-fille lui présentait, Jean adora aussitôt le jeune homme avec son air de fermier accompli.
-Papi, je te présente Gabriel. C’est notre nouveau jardinier.
-Mais… Mais comment l’as-tu trouvé, Mimi ?
À l’instant où Jean prononça ce dernier mot, Mira lui fit de gros yeux, non pas qu’elle détestait ce surnom, c’est seulement qu’ils projetteraient une image d’une très minime sériosité de l’auberge à Gabriel si elle permettait que son grand-père la nomme de ce surnom on ne peut plus intime.
-Pardon, Mira, se reprit le vieillard.
-Ehh bien, hier, je l’ai rencontré et j’ai oublié de lui demander son nom. Alors, ce matin, j’ai eu l’idée d’aller à l’hôtel de ville pour fouiller la liste des habitants. C’est alors que je l’ai vu sortir de l’hôtel de ville avec ses valises en mains. Il se trouve que ça faisait deux semaines que l’hôtel de ville l’aubergeait, alors il était temps qu’il parte. J’ai donc eu la merveilleuse idée de lui offrir l’hospitalité au gîte en échange de ses services de jardinier.
-Je ne savais pas que l’hôtel de ville s’agissait vraiment d’un hôtel !
-Moi non plus ! répondit Mira.
-Eh bien, bienvenue parmi nous, Gabriel ! se réjouit Jean.
Après avoir fait la visite des lieux, Mira lui indiqua sa chambre.
-C’est super ! Merci beaucoup Mira.
-Pas la peine de me remercier, tu vas travailler pour moi, c’est la famille Dunkler qui te remercie !
-Tu sais Mira, quand quelqu’un dit merci, normalement les gens se contentent de dire « de rien » ou encore « bienvenue ». Toutefois, cette dernière fait un peu vieille comme réplique…
-De rien, fit Mira en lui lançant un clin d’œil.
-Voilà qui est mieux !
-Bon, je vais te laisser t’installer ! Je dois préparer le souper. Il sera prêt dans une heure et demie.
-À tout à l’heure.
Le sourire aux lèvres, Mira quitta la pièce en prenant soin de refermer la porte derrière elle. La jeune femme était soulagée d’avoir trouvé un jardinier puisque le dos de son grand-père commençait à se dégrader à force d’être courbé pendant des heures. Jean Dunkler n’était plus très jeune et Mira n’était pas sans savoir que la vieillesse le gagnait de plus en plus. N’étant pas de nature « pouce vert » ou encore « main verte », Mira devait à tout prix trouver un nouveau jardinier, et voilà qui était fait !
Aussitôt la cuisine gagnée, Mira sortit les chaudrons, les livres de recettes de sa défunte grand-mère et tous les ingrédients dont elle avait besoin pour préparer la fameuse ratatouille de Mamie Dunkler. Tomates, oignons, aubergines, courgettes, poivron et aïe étaient les principaux ingrédients de la recette, cependant, la grand-maman de Mira aimait bien y rajouter sa petite touche spéciale : le thon, non pas l’insecte mais le poisson, évidemment. Pourtant médiocre dans la cueillette de fruits et légumes, Mira se démarquaient grandement en matière de cuisine, et même, de gastronomie. En deux temps, trois mouvements, le plat était déjà mis au four et il y restera pour une bonne heure entière.
Une fois le souper servi, Mira téléphona aux chambres des clients afin de les avertir de descendre. Tous prirent place très rapidement en admirant les couleurs flamboyantes des légumes merveilleusement placés dans leur assiette et en délectant les formidables effluves que dégageait le repas.
-J’espère que tout le monde aime le poisson ! s’enquit Mira, en voyant que tous étaient déjà plongés dans leur assiette, dévorant la ratatouille par grosses bouchées. J’imagine que oui ! Bon appétit !
-C’est délicieux ! articula Jean Dunkler entre deux gorgées de vin rouge.
-J’en suis réjouie ! lui répondit sa petite-fille.
La partie la plus déplaisante des repas dans le gîte était bien sûr le moment de faire la vaisselle. Cette tâche était destinée à Mira et Jean ne l’aidait que très rarement. Elle devait donc se taper les chaudrons, les marmites, les poêles, les assiettes, les bols, les ustensiles, les verres et les coupes à elle seule à chaque fin de repas.
-As-tu besoin d’aide ? demanda une voix derrière elle. Mira reconnut celle du nouveau jardinier.
-Non merci, ça ira.
Malgré la réponse négative de la jeune femme, Gabriel empoigna le chiffon de cuisine et commença à essuyer la vaisselle qui se trouvait à côté de l’évier.
-Qu’est-ce que tu fais ?
-Ben, tu ne vois pas ? J’essuie la vaisselle.
-Je t’ai dit que je n’avais pas besoin d’aide.
-Mira, je ne suis pas con, j’ai bien vu ton air désespéré devant ce « monument de vaisselle sale » sur le comptoir !
-Mouais, bon, t’es le jardinier du gîte, pas mon assistant en cuisine.
-Je ne le fais pas pour le gîte, mais pour toi.
Voyant le visage figé de Mira après son commentaire, le jeune homme changea de sujet.
-Tu n’as jamais pensé à devenir chef ?
-Chef ?
-Oui, chef cuisinière.
-Non, j’ai su dès mes onze ans, après la mort de mon père, que mon destin se résumait à continuer la lignée des Dunkler dans l’hôtellerie.
-Ça ne t’ait jamais venu en tête de faire autrement ?
-Que veux-tu dire ?
-Eh bien, de devenir propriétaire d’un célèbre restaurant cinq étoiles, ou quelque chose d’autre. Tu dois forcément avoir un rêve, un métier que tu as toujours voulu faire mais que tu as catégoriquement ignoré pour faire plaisir à ta famille…
-Oui, si tu parles de mon rêve de devenir princesse quand j’avais huit ans…
Devant le regard incrédule de son ami, Mira éclata de rire.
-Je parle sérieusement, Mira… N’as-tu pas un rêve caché ?
-Comment peux-tu oser dire ça ? Tu me connais à peine et tu insinues que j’aimerais tourner le dos à ma famille entière en faisant autre chose de ma vie que de gérer ce ranch !
-Ne prends pas ça de même, Mira. J’essayais simplement de te faire ouvrir les yeux.
-Tu ne me connais pas, répéta Mira sur un ton sec.
- Toi non plus, Mira, tu ne te connais pas.
-Pff, n’importe quoi ! Et puis, si ça ne serait pas de moi et de cette auberge, tu n’aurais pas de travail ni de lieu ou vivre, je te signale !
-Crois-moi Mira, je m’aurais organisé autrement.
-Bon, ça suffit, je n’ai plus besoin de toi pour la vaisselle.
-Ah, donc tu as déjà eu besoin de moi ?
-Arrête de jouer sur les mots !
-Tu es tellement drôle quand tu te fâches ! se moqua Gabriel.
-Tu agis comme si on se connaissait depuis toujours.
-C’est ma particularité.
-Ouais, c’est ça, tu peux t’en aller, maintenant ?
-Comme tu veux ! Bonne chance pour ta montagne !
-J’en aurai besoin, marmonna la jeune adulte.
Plus tard dans la soirée, alors que la vaisselle était propre et rangée, Mira décida d’aller voir ses e-mails.
« Ah, tiens, un message de Rosalie ! » s’enthousiasma Mira.
« Ohh comme je suis contente pour elle ! » se réjouie Mira devant son écran d’ordinateur en lisant le message de sa sœur. « Allons voir ce Bruno… »
Mira chercha Bruno Camembert sur le moteur de recherche comme lui avait suggéré de faire sa sœur. Une centaine de photos sont soudainement apparues à l’écran. Mira cliqua sur l’une d’entre elles.
« Y’a pas à dire, elle en a de la chance ! » pensa Mira en admirant le magnifique corps musclé et bronzé de ce Bruno.